La turbulence des écueils
À travers un récit visuel d’une bouleversante beauté, Eveline Boulva immortalise les paysages nordiques du fleuve St-Laurent et de l’Atlantique Nord, offrant une perspective unique, au confluent de l’art, de la géographie et de l’écologie, sur ces panoramas côtiers majestueux en perpétuelle mutation. En cette ère de l’anthropocène, alors que la transformation rapide des paysages naturels est plus que jamais au coeur de nos préoccupations, la turbulence des écueils nous invite à réfléchir sur la fragilité de nos milieux naturels et sur les actes nécessaires à poser pour assurer leur préservation.
La turbulence des écueils est un témoignage visuel de périples au cours desquels Eveline Boulva s’est arrêtée dans le Bas Saint-Laurent, en Gaspésie et à Terre-Neuve. Élaborées à partir d’archives photographiques et vidéographiques soigneusement collectées au cours de ces pérégrinations, les peintures présentées attestent d’un engagement de longue durée de l’artiste à sensibiliser aux enjeux écologiques pressants, exacerbés par l’action humaine, qui se trament derrière la beauté spectaculaire des paysages naturels.
S’inspirant des glaces morcelées du Saint-Laurent et des vagues impétueuses se cassant sur les côtes de Terre-Neuve, Eveline Boulva articule conceptuellement, esthétiquement et philosophiquement ce corpus autour de la notion de « fragmentation ». La glace, incarnant à la fois le symptôme et l’emblème de la crise climatique, se fait ici le puissant symbole de l’impact de l’action humaine sur les paysages naturels. À travers ses œuvres, l’artiste trace un parallèle visuel saisissant entre les glaces du fleuve, dessinant des constellations immaculées se détachant sur le bleu profond des eaux et le ciel nocturne étoilé. Cette métaphore existentielle qui nous happe évoque le sentiment d’impuissance vertigineux que suscite la crise climatique et la vulnérabilité du chaos.
Virginie Brunet-Asselin
Directrice adjointe – Chiguer Art Contemporain – Québec